Anne équipière du GIMI, atteinte de dermatomyosite et de calcifications
Au-delà de son parcours, elle nous parle d’une complication, rare dans les myosites de l’adulte mais extrêmement pénible et douloureuse : les calcifications.
Tous les muscles ont été atteints. Je ne pouvais plus tenir un stylo, impossible d’avaler… Il a fallu mouliner toute mon alimentation pendant de longs mois. J’étais tellement faible que, pendant les trajets en voiture, ma tête basculait en arrière à la moindre accélération. Quant aux muscles des jambes et des bras, c’était une catastrophe.
Le dermatologue qui m’a diagnostiqué cette maladie rare l’a fait en compulsant un classeur répertoriant des articles médicaux sur les maladies rares et orphelines. Il tournait les pages de son classeur et disait « c’est pas ça, c’est pas ça », jusqu’à ce qu’il tombe sur une publication évoquant la dermatomyosite. Eh oui, pas d’ordinateur à l’époque.
Au C.H.U de Mondor-Créteil (91), au vu de la biopsie et des symptômes cutanés très sévères, il a été diagnostiqué une dermatomyosite juvénile de type lupique. J’ai eu beaucoup de poussées inflammatoires invalidantes.
Aujourd’hui, j’ai 54 ans, et les muscles ne sont plus inflammatoires.
J’ai la très grande chance de pouvoir marcher. Mais je ne peux pas courir, ni me relever du sol, ni porter des charges trop lourdes.
Mes muscles sont très abîmés et j’ai énormément de calcifications (voir historique ci-dessous). Mes muscles sont très fragiles et peuvent devenir inflammatoires si je force trop ; l’inflammation peut induire alors un début de calcification.
Je ne dois pas faire d’efforts inconsidérés ou trop répétés, surtout pour ce qui est des muscles des cuisses. J’ai tendance à l’oublier, ce qui m’a occasionné plus ou moins une poussée en 2016.
Je privilégie la kinésithérapie avec balnéothérapie ; aucun appui n’est nécessaire, bien moins douloureuse que la kiné à sec quand on a des calcifications !
Contrairement à la grande majorité des personnes ayant une dermatomyosite, les signes cutanés n’ont jamais disparu. Ils évoluent par poussées là où il y a eu les atteintes les plus sévères (visage et dos), souvent en parallèle avec une poussée musculaire. J’ai d’ailleurs perdu mes cheveux tant les poussées cutanées ont été fortes.
Je fais chaque année une cure thermale à La Roche Posay. L’eau étant naturellement anti-inflammatoire, j’y ai toujours des résultats spectaculaires qui me donnent du répit.
On pense enfin pouvoir diminuer les 5 mg de cortisone que j’ai depuis si longtemps. Je prends maintenant 30 mg d’hydrocortisone, qui vont être diminués jusqu’à l’arrêt total de la corticothérapie. Enfin…, car j’ai eu tous les effets secondaires de la cortisone, y compris un diabète de type 2 qui est apparu il y a 10 ans.
Les calcifications (ou calcinoses)
Les calcifications sont très vite apparues. Les calcifications, c’est la pathologie rare dans une maladie rare. A l’hôpital Lariboisière on me dira que les calcifications touchent 30 % des dermatomyosites juvéniles et 3 % des DM adultes.
Les calcifications (ou calcinoses) sont caractérisées par le dépôt de sels de calcium dans la peau et les tissus sous-cutanés et se développent dans un tissu anormal soumis à une inflammation. Dans mon cas il s’agit de calcinoses dystrophiques car le bilan phosphocalcique est normal.
Elles sont apparues d’abord aux coudes, puis aux genoux puis sur le visage, aux pommettes et au menton. Celles qui sont sur le visage me brûlent si je m’expose au soleil.
Par la suite elles se sont développées le long des tendons, des muscles, et en sous-cutané, et ce, un peu partout.
Ces calcifications sont soit solides et dures comme des cailloux, soit molles et ressemblent à une pâte blanche épaisse, qui quand elle sèche donne l’impression de craie broyée. Quand elles sont solides et cristallisées, elles peuvent percer la peau à force de frottements et d’inflammations et sont très douloureuses. C’est alors une porte ouverte aux infections et aux staphylocoques dorés.
Elles peuvent se former sans raisons apparentes. Il m’est arrivé d’en avoir une qui se forme juste au-dessus du coude après avoir fait du crochet ; la répétition du mouvement a été inflammatoire pour une partie du muscle. Il est devenu chaud et douloureux et une calcification s’est formée.
Au bout de 36 ans de maladie, certaines calcifications ont grossi énormément. Celles qui sont autour des hanches ont la taille d’une balle de ping-pong, mais hélas pas la rondeur.
Les dépôts calciques se cristallisent et ont des formes acérées. Certaines se sont fracturées en un chapelet de petites calcinoses.
J’ai eu plusieurs opérations chirurgicales pour en extraire : au doigt, au menton, à l’épaule, au bassin, au bras gauche, au poignet… 2 interventions chirurgicales ont été nécessaires en 2012, une au bras et une au bassin. Il s’en est suivi des infections par staphylocoques dorés qui m’ont valu à chaque fois 1 mois d’hospitalisation avec cocktail d’antibiotiques en perfusion et 1 mois de soins infirmiers à domicile.
A l’heure actuelle, celles qui m’handicapent et m’inquiètent le plus sont celles présentes sur l’intérieur de la cuisse droite et du bassin ; elles ont évolué ces dernières années et sont de plus en plus douloureuses. La cuisse droite est visiblement déformée. Celles qui sont à hauteur du bassin me rendent la station longue assise de plus en plus difficile. J’ai des difficultés à trouver une position confortable pour dormir.
Tous les traitements pharmaceutiques habituellement préconisés pour diminuer les calcifications ont été sans effet. Beaucoup sont inopérables. En mars 2016, lors d’une hospitalisation à l’hôpital Saint Louis à Paris, un chirurgien les a examinées et m’a dit que le résultat de l’opération serait plus invalidant que la situation présente, étant donné que les calcifications gainent profondément les muscles et les tendons.
En outre, chaque année je dois effectuer un contrôle calcique à l’hôpital Cochin en hospitalisation de jour, avec charge calcique et bilan sanguin pour vérifier le fonctionnement de la parathyroïde.
2017 : un traitement pour réduire les calcifications
En janvier, j’ai été examinée par le Dr Ea Korng, rhumatologue à l’hôpital de Lariboisière. Il me propose un traitement au thiosulfate de sodium dont je n’avais jamais entendu parler. Quelle a été ma surprise de voir que l’on utilise cette substance pour patiner les métaux et qu’on la trouve dans toutes les bonnes quincailleries !
Ce traitement est fait en perfusion à débit lent (sur 5 jours), le thiosulfate donnant des nausées. Ces perfusions se font tous les mois. Le traitement peut se faire à domicile si l’on me pose une chambre à cathéter implantable. Il faut 6 mois de traitement pour voir un début de résultat.
Il est prescrit en parallèle une préparation magistrale sous forme de crème à pommader. J’ai dû commander cette préparation à la pharmacie de l’hôpital de Limoges conjointement avec le service pédiatrique, qui est seul à fabriquer cette crème.
J’ai hésité à accepter ce traitement ; le résultat n’est pas certain, le produit n’est pas anodin, et mon capital veineux n’est plus ce qu’il était depuis longtemps. Mais je n’ai pas le choix, et si d’autres complications infectieuses survenaient dans les années à venir, je regretterais de ne pas l’avoir fait. Je me demande pour quelles raisons on ne m’en parle que maintenant ! J’attends la date de la première cure de thiosulfate prochainement.
J’ai pu connaître ce traitement grâce à ma participation au GIMI ; c’est Pr Benveniste qui m’a orientée vers le Pr Bouaziz, de l’hôpital de Saint-Louis, qui lui m’a conseillé l’hôpital Lariboisière pour ce traitement.
Moi avec la maladie
J’ai pu malgré tout construire ma vie malgré de nombreuses poussées et hospitalisations.
J’ai fait un BTS de Secrétariat de Direction bilingue, puis ai travaillé de 1991 à 2006 dans le secteur bancaire en tant que rédactrice dans le commerce international.
Mon temps de travail a été aménagé et a diminué avec l’évolution de la maladie.
Depuis 2006, après entretien et décision du Médecin conseil de la Sécurité Sociale, je ne travaille plus mais essaie de trouver un équilibre en restant à la maison.
Je fais du chant, de la broderie, et j’ai repris les cours d’anglais (yes I can).
Je fais aussi partie du GIMI depuis sa création. J’ai toujours été très enthousiaste au sujet de notre groupe de patients ; en effet, jusqu’alors il n’en existait pas. J’y ai tissé des liens d’amitié importants.
Pour moi la mission première est de partager l’information, de faire savoir à toute personne atteinte de myosite qu’elle n’est pas seule dans la maladie.
J’espère pouvoir avec le groupe mettre en place cette année 2017 les premières réunions d’info et de partages dans les régions au sujet des myosites et ce grâce aux réseaux de l’AFM-Telethon !
J’y assure la gestion de la boîte mail, et la publication de posts sur la page Facebook du GIMI.
J’aime tout particulièrement trouver de l’info sur la maladie et l’expliquer de façon compréhensive. Et le samedi, le Pr Barjo du service de Rigolothérapie, c’est moi !
J’apprécie les échanges que nous avons lorsque nous travaillons ensemble à la rédaction des publications, mais aussi à l’occasion de la permanence téléphonique.
J’ai assisté à plusieurs formations et congrès médicaux qui me font mieux connaître les myosites et les maladies neuro-musculaires.
Je viens de traverser à nouveau une période difficile avec une poussée inflammatoire cutanée, un amaigrissement notable et des douleurs liées aux calcifications. Mes amis et ma famille m’ont été d’un grand soutien. Je dois dire également un grand merci aux copains et copines du GIMI qui ont été d’un grand réconfort.
Ce qui a été le plus difficile pour moi est d’être trop fatiguée pour partager avec mes proches et d’avoir dû à nouveau annuler certains projets. Mais c’est reparti, même si une période difficile s’annonce avec ce nouveau traitement et ces prochaines hospitalisations, j’espère pouvoir faire face et surtout avoir des résultats !
Nous n’avons pas eu la possibilité de réinstaller les commentaires qu’il a générés. Pour les lire dans leur intégralité en format pdf, cliquez ICI.