Témoignage de Dom d’Anjou : guérison d’une dermatomyosite juvénile
Finalement mi-novembre 1980, les médecins ont annoncé à mes parents qu’il n’y avait pas de traitement pour ce genre de maladie du collagène, encore très rare et méconnue dans les années 1980 (quelques cas connus au niveau mondial, surtout aux Etats-Unis). Mes parents devaient se préparer à une espérance de vie réduite vu le degré de gravité de cette maladie « invalidante » présente chez moi.
Néanmoins, le traitement de la dernière chance a été mis en place : SOLUPRED à très haute doses (200mg/j tous les matins (20 cachets !) et une injection de METHOTREXATE une fois par semaine. Les phénomènes inflammatoires ont un peu régressé, mes paupières ont dégonflé… par contre, j’ai pris 25 kilos en 2 mois malgré le régime sans sel strict, des vergetures importantes sont apparues sur mes bras, mon ventre ; bien sûr les médecins avaient occulté ces « effets secondaires », sauf qu’à 15 ans, moralement c’est difficile, très difficile à supporter… j’étais devenue obèse, ce qui a eu pour effet de me clouer dans un fauteuil roulant, je n’avais pas suffisamment de force pour me relever de la position assise, le corps n’étant que muscles, ceux-ci avaient été détruits par la Dermatomyosite y compris mon cœur qui s’essoufflait.
L’enfer sur terre a commencé. De kinés en centres de rééducation, je progressais, mais tellement lentement. Je ne souffrais pas, sauf pour les perfusions de METHOTREXATE où l’on m’entendait hurler de douleur. Ma peau partait en lambeaux, comme une mue chez nos amis lézards…. Ma scolarité était interrompue, j’étais trop fatiguée pour suivre les cours et je me sentais si laide et si mal.
En 1982, mon état s’était bien amélioré sur le plan inflammatoire, ma peau restait très abimée et j’étais toujours en fauteuil roulant, dépendante de ma famille parents. J’avais 16 ans et pas d’avenir, une vie en marge de la société et de toutes ces petites histoires qui marquent l’adolescence, j’étais si loin de tout cela…
Fin 1983, rechute ; poussée inflammatoire, douleurs dans les membres (depuis il a été dit que la maladie pourrait être apparentée à la famille des LUPUS). Ré-augmentation des doses de SOLUPRED, reprise de la spirale descendante… Entretemps, des recherches sur la genèse de ma maladie ont été faites au CHU. J’étais un « cas d’école » intéressant.
Finalement, il semblerait qu’un problème génétique soit préexistant dans la branche maternelle de ma famille, où seules les femmes sont atteintes par une maladie auto-immune. Mes 2 cousines germaines ont soit un LUPUS, soit un HODGKIN, et mes cousins n’ont rien. En 2002, maman a été diagnostiquée SEP et myélite, elle a terminé sa vie quadraplégique et dépendante en 2013. Début 1984, devant le manque d’évolution positive de la maladie, mes parents ont décidé de se tourner vers les médecines dites « parallèles » en accord avec le Médecin de famille. Nous avons rencontré des personnes formidables et compétentes.
Les doses de cortisone ont été diminuées et le METHOTREXATE supprimé fin 1984 en accord avec le Médecin de famille et le CHU. Je gagnais petit à petit le combat sur la maladie. J’ai appris à me battre, à me dépasser et à m’accrocher au plus petit espoir, je voulais vivre… Aujourd’hui encore, je ne peux exprimer par des mots la difficulté à supporter le regard des autres, le poids de leur pitié, des jeunes de mon âge, mais aussi des moins jeunes… Alors j’ai appris à me protéger du monde extérieur. Je suis devenue malgré moi une guerrière (je le suis toujours !) et je me suis forgée une « carapace » solide. J’ai suivi une scolarité à domicile. Heureusement, j’avais ma famille pour me soutenir (je suis fille unique), je n’y serais pas arrivée sans eux.
Au cours de l’année 1984, après une rééducation intensive en Centre de rééducation à ST Jean de Monts, j’ai retrouvé suffisamment de force musculaire pour faire quelques pas. Les traitements fonctionnaient bien, j’ai pu reprendre ma scolarité, en fauteuil, certes, mais suffisamment forte pour suivre les cours. Les classes avaient été aménagées pour moi, pour m’éviter de la fatigue et j’étais très entourée par mes amies qui ne m’avaient pas abandonnée et qui m’apportaient quotidiennement leur aide précieuse.
L’année 1985 s’ouvrait sous les meilleures auspices, je marchais avec des cannes anglaises, encore avec difficulté, mais j’avais retrouvé la position verticale, une grande victoire sur la maladie, puis petit à petit mon autonomie dans la vie de tous les jours. Je préparais une Capacité en Droit et je poursuivais les séjours en Centres de rééducation et les séances de kinésithérapie pour rééduquer mes muscles encore défaillants.
En janvier 1986, je passais mon permis et trouvais mon premier emploi. J’étais considérée par le corps médical comme complètement guérie, sans pouvoir expliquer pourquoi… En 2010, j’ai consulté un généticien concernant les possibilités de conception d’enfant qui m’a assuré que c’était possible malgré les traitements mutagènes. Néanmoins, je n’ai jamais pu mener à bien une grossesse, ce qui reste un regret.Aujourd’hui, j’ai 49 ans, et 35 ans plus tard, je vis normalement avec une activité professionnelle à temps complet. Je voyage, je danse la salsa toutes les semaines. Bien sûr, j’ai besoin de plages de repos un peu plus longues que les autres personnes, et je connais mes limites, mais je ne conserve pas de handicaps importants dus à la Dermatomyosite, juste une petite faiblesse musculaire qui m’interdit les sports surtout violents. Par contre, je porte toujours sur mon corps les stigmates dus à l’importante prise de poids (que j’ai totalement reperdu mais avec beaucoup de temps).
Les séances de kiné ne font plus partie de mon quotidien depuis 10 ans. C’est vrai que le chemin est ardu, qu’il est parfois tentant de baisser les bras, mais il faut trouver la force en soi, personne ne peut se mettre à notre place, mais avec les années, le temps qui passe et les épreuves de la vie, aujourd’hui je suis en paix avec ce passé douloureux.