Diane B : à 22 ans, la dermatomyosite se déclare. Un vrai combat commence !

Plusieurs d’entre nous vont se reconnaître dans la lecture de ce témoignage. Premiers symptômes, incompréhension, errance de diagnostic, puis traitements, rémissions, rechutes… et la force puisée en nos ressources intérieures pour continuer à vivre « normalement » et cette volonté puissante de ne pas baisser les bras. Oui, les épreuves nous rendent plus forts. La preuve… Lisez donc le témoignage édifiant de Diane.

Diane depuis octobre 2020, fait partie du GIMI ; elle va créer notre newsletter ! Merci pour son témoignage et bienvenue dans le groupe ! 

« Août 2012, je viens d’avoir 22 ans.

Le diagnostic tombe, après 6 mois d’errance : j’ai une dermatopolymyosite (désormais classée en dermatomyosite) avec anticorps NXP2.

 

Tout a commencé fin février 2012 : je souffre de courbatures permanentes, j’ai du mal à exercer mon boulot étudiant de serveuse car je n’ai plus de force dans les bras, j’ouvre difficilement les portes et peine à faire la vaisselle. Moi qui ai toujours été sportive et (hyper)active, je ne comprends pas. Je me lève le matin comme si j’avais été rouée de coups pendant la nuit ou que j’avais couru le marathon de New York. Tout cela est apparu après un weekend très sportif : ski de descente, ski nordique, raquettes… Je finis par aller voir un médecin. A l’époque, je suis en Erasmus à Vienne en Autriche, cela jouera pour mon diagnostic futur.

 

Docteur Possnigg chez qui je consulte, et que je remercie au passage, se montre très zélé, il me met sous perfusion régulière de cortisone pour me soulager et me fait faire tous les tests possibles : lyme, VIH, etc. tout est écarté. Chute des cheveux, œdème lilacé des paupières, signe de la manucure, il finit par poser un diagnostic de dermatopolymyosite et m’envoie faire un électromyogramme. Hélas ! L’histoire en avait décidé autrement. Oubli de prescription, incompréhension linguistique, ennui du praticien ou manque de signes cliniques, l’EMG revient normal et me voilà en errance de diagnostic.

 

De caractère déterminée, je ne me laisse pas abattre pour autant. Surprise que mon esprit puisse me jouer de tels tours, je me dis, que si c’est dans ma tête, je n’ai qu’à être plus forte que cela.

Les mois passent et je rentre en France en juin, à temps pour être en France lors de l’accident de mon père qui lui coûta la vie.

 

S’ensuit une lourde aggravation des symptômes : je n’arrive plus à me lever, m’habiller, me laver, monter des escaliers ou pousser une porte. Par chance, je vis avec ma mère qui prend soin de moi, me lave au gant et me fait des purées. Inutile de dire qu’à 22 ans, c’est dur.

Je consulte alors plusieurs spécialistes : l’un me diagnostique une fibromyalgie et l’autre me traite de folle et me met sous anti-dépresseurs.

Mais j’hésite à les prendre. Au fond de moi j’en suis convaincue, ces douleurs et ces faiblesses ne sont pas un effet de mon imagination.

Finalement, un mal pour un bien, la mort de mon père m’aide à tenir et à me battre, je n’ai pas le droit, pour mes proches restants, de baisser les bras et de disparaître à mon tour.

 

Le miracle arrive enfin : deux consultations de routine chez mon dentiste et ma dermatologue de famille posent un diagnostic de maladie auto-immune. On m’adresse chez un spécialiste au CHU de Nice qui pose le bon diagnostic fin août. Je suis hospitalisée quelques jours pour un traitement de cortisone par intra-veineuse, puis renvoyée chez moi avec des comprimés à prendre.

 

Hélas bis. Ce n’est pas suffisant. Ma condition continue de se détériorer même si les douleurs ont diminué, j’enchaîne les fausse-route et m’alimente de plus en plus difficilement.

 

Finalement, une dizaine de jours plus tard, en septembre, je serai prise en charge en urgence au service de réanimation souffrant de dysphonie et dysphagie pour un suivi des constantes. En entrant dans la pièce en fauteuil roulant, je craque. C’est dans une pièce semblable à celle-ci à l’hôpital de Toulon que mon père a rendu son dernier soupir il y a quelques semaines.

C’est là que j’aurai le plaisir de recevoir ma sonde naso-gastrique, un très mauvais moment à passer. Heureusement, mes fonctions cardiaques et respiratoires vont bien, j’ai le droit de rejoindre le service de dermatologie au bout de 24 h. J’y passerai une dizaine de jours avec des cures d’immunoglobulines et mon traitement de corticoïdes. Je suis à 120 mg et l’air impressionné des infirmières ne me laisse pas peu fière ! Je suis chouchoutée dans ce service qui n’est pas habitué à avoir des patients aussi jeunes (merci mille fois aux aides-soignantes et aux infirmières). Ma chambre avec vue sur la Méditerranée est de tout confort mais l’action combinée de la maladie, des corticoïdes et des repas d’hôpitaux donne un coup de grâce à ma forme physique. Je perds 10 kg en une dizaine de jours et acquière une vraie taille mannequin. Celle-ci est compensée par la pilosité excessive et les gonflements disgracieux dus à la cortisone, soit, ce n’est pas cette année que j’arpenterai les podiums !

 

La psychologue vient me voir de temps en temps, je n’arrive qu’à lui montrer mon mur d’optimisme, elle n’insiste pas, elle aurait peut-être dû…

 

En septembre, je suis supposée faire ma rentrée en dernière année d’école d’ingénieur à Lille. Il est hors de question que je mette ma vie en pause pour cette maladie. L’hôpital arrive à organiser un transfert et me voilà déposée en chaise roulante à l’aéroport de Nice pour un vol direct d’ambulance à hôpital.

 

Ma mère qui me soutient depuis le début me rejoint à Lille pour organiser mon installation, elle me trouve un appartement en collocation et fait même le jour de la rentrée à ma place sous l’œil ébahi de mes camarades de classe.

 

J’ai un succès fou lorsque j’arrive avec ma sonde, mon poids plume, mon visage et mon dos velus, et ma tête de hamster (merci la cortisone). Je dors très peu et me sens en pleine forme grâce à la cortisone, je gagne un temps précieux car je n’ai pas besoin de dormir et de me faire à manger grâce à ma sonde et les poches qui remplissent mon estomac et je peux finir mon rapport de stage qui avait été avorté pendant l’été.

 

En octobre on me retire la sonde. L’année passe, je continue mon suivi à l’hôpital (cures de tégéline, orthophoniste, IRM, etc.) et mes études. Je continue à avoir un mode de vie le plus normal possible, mais mon corps refusera parfois de me suivre. Je me souviens ainsi m’étaler en plein milieu de la route après avoir essayé de courir pour attraper mon bus. Essayez de courir sans muscles, vous verrez que ce n’est pas facile… Pour l’anecdote, en avril, je participe à une course d’orientation, 45 km sur 24h en famille. Je finis sur les rotules. Avec du recul, je ne sais pas comment j’y suis arrivée. Quand on vous dit que la volonté soulève des montagnes !

 

En novembre 2013, je suis finalement diplômée ingénieur et j’ai même trouvé l’amour ! Je rentre à Nice et continue le suivi là-bas. Je vais y rester un an pour chercher du travail puis repartir dans le Nord pour un volontariat de service civique en Allemagne. Je suis alors suivie à Strasbourg en dermatologie. Je continue les rendez-vous de routine, les séances de kiné et les cures de tégéline mais je me sens moins bien suivie. En rémission, j’arrête le traitement à l’été 2016.

 

Rechute en février 2017, je reprends les corticoïdes et les immunoglobulines jusqu’en décembre 2017.

L’une des difficultés annexes liées à cette maladie est de se vêtir. Alternance des rémissions et des rechutes ont un effet yoyo. Rien que cette année par exemple, je faisais un 34 en juin 2019 (suite à un zona) et un 42 en décembre 2020 (suite à la reprise de la cortisone), autant vous dire qu’il faut avoir de la place dans les placards !

 

En août 2018, en vacances en Corse, je gravis le sommet de la Corse du Sud, Le Monte Renoso, 2352 mètres d’altitude. Depuis toujours mes parents m’emmènent marcher et je ne peux pas dire que c’était toujours une partie de plaisir. J’ai appris à aimer, grâce au scoutisme, aux amitiés qui se forgent dans la marche et à ce sentiment d’indépendance que cela procure : avec mes pieds, je peux aller partout. Depuis que je suis malade ce sentiment est décuplé. A chaque randonnée, à chaque effort sportif, à chaque fois que je peine, je me souviens du petit légume que j’étais à l’été 2012 et du chemin parcouru et je me sens invincible. J’arrive moins vite, moins facilement, que « la moi saine », soit, mais j’y arrive quand même et c’est tout ce qui compte !

 

A l’été 2019, j’ai la chance d’être acceptée dans un centre de réadaptation qui est littéralement de l’autre côté de la rue. Je suis en rechute depuis février 2018 et désormais suivie en neurologie. Ces deux mois de rééducation et la reprise d’un traitement (corticoïde + tégéline) me retapent ! Je fais 10 kms de vélo par jour pour aller travailler, c’est une victoire !

 

Il y a toujours plus malade que nous, plus malchanceux. Je me souviens dans le centre de rééducation de cette jeune femme qui réapprenait à marcher. Elle me dit qu’elle est motarde, qu’une voiture lui a coupé la route. Pour elle, sa passion, la moto, c’est fini. Ou encore de ce jeune homme de 20 ans, qui a déjà fait deux AVC. Il est beau comme un ange, drôle, intelligent mais il garde en lui cette paralysie partielle qui handicape ses mouvements. Pourquoi ? Pourquoi ça ? Pourquoi eux ? Quelle injustice.

 

Depuis le début, j’essaie de comprendre ce qui a provoqué cette maladie. A la réflexion, je pense que c’est un chagrin d’amour suivi d’une dépression doublée d’une mononucléose qui l’ont déclenchée. Je ne sais toujours pas si je dois remercier ce jeune homme pour me l’avoir déclenchée à ce moment-là ou s’il aurait mieux valu que ça se déclare plus tard… Dans la vie, tout est une histoire de timing. Tout se joue à une fraction de seconde, et le pire et le plus beau dans tout ça c’est qu’on ne peut rien prévoir, juste accepter.

 

Mon changement de ville n’a pas aidé le suivi de ma maladie, mais je refusais que cette maladie ne m’impose quoi que ce soit. Le plus dur quand on est malade c’est l’incompréhension des gens. Je me souviens des moqueries de certains amis sur le fait que je n’arrivais pas à soulever telle chose, ou à faire tel effort physique. Et c’est vrai, pour une personne de la vingtaine d’années, ça n’aurait dû poser aucun problème. Sauf que je ne suis pas une personne d’une vingtaine d’année comme tout le monde. Je suis une personne malade et si je refuse que cela m’empêche de faire des choses, il est sûr que cela les rend plus difficiles à accomplir.

 

Cependant, je ne peux pas en vouloir à ces personnes. Quand on est malade, on s’enferme souvent dans son silence et sa douleur. Les autres ne peuvent pas comprendre la maladie car elle est propre à chacun. Je me souviens au début, avoir cherché des témoignages, des personnes atteintes au même âge, avec qui je pouvais partager mon ressenti, mes doutes, mes craintes, mes questions, en vain…C’est pour ça qu’aujourd’hui je m’exprime enfin. Je suis peut-être moins dans le déni mais je me rends surtout compte que si on ne communique pas, les autres ne peuvent pas comprendre et on ne peut aider personne. Ce n’est pas un gros mot de dire qu’on est malade ou de nommer la maladie. Ce n’est pas une tare d’être reconnu travailleur handicapé. Malade ou non, on traverse tous la vie avec nos cassures, nos faiblesses et nos épreuves.

 

Qu’est-ce que notre avenir nous réserve ? Nul ne le sait. C’est pourquoi il est important de continuer à vivre. »

 

Diane B.

 

Ce témoignage a été transféré de notre ancien blog. 

Il avait généré des commentaires, mais nous n’avons pas eu la possibilité de réinstaller les commentaires qu’il a générés. Pour les lire dans leur intégralité en format pdf, cliquez ICI.

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